• Tunisie (2019)

Les bruissements de la pierre (2019)

La Galerie Elmarsa Tunis présente l'exposition personnelle "لانتيكا/ Les bruissements de la pierre" de Atef Maatallah 
"Un mouvement préside aux voies que dessinent l’artiste : le recueillement, le retour sur soi autour du foyer premier. Ce foyer, ce lieu à partir duquel rayonne cette série de dessins, est celui auprès duquel se réfugie un corps qui a froid ; c’est d’abord le foyer familial,
le foyer d’une terre natale. Une archéologie du soi fouille les cendres froides d’une vie intérieure en quête des braises encore ardentes d’une âme. Et ce sont les souvenirs de l’ennui d’une enfance qui allait chercher ses jeux du côté de l’« antika », du site archéologique de Thuburbo Majus ; souvenirs aussi d’un morne quotidien pesant sur la ville d’El Fahs que l’on fuyait vers les ruines, se délivrant ainsi du lieu, se délivrant aussi du temps. Sans doute, est-ce, que dans cet ailleurs d’un autre temps, le quotidien s’évanouit dans l’immensité des siècles et que les murs citadins s’écroulent pour un horizon de plaines ; ce sont aussi les souvenirs
des croyances populaires que de vieilles pierres soufflent aux oreilles des vivants. Avant que le nom de Thuburbo Majus ne fut déterré, il y avait Henchir el-Kasbat et aux pierres muettes
qui affleuraient déjà les sols, on avait taillé des légendes à leur mesure : ce lieu où gisait le pied et la tête d’un monumental Jupiter et de gigantesques pierres sculptées ne pouvait être qu’un pays de géants ; mais ces colosses ne sont plus et il ne reste qu’un site vide prêt à s’emplir de vastes fables. Un Victor Guérin relevait déjà en 1860 que les habitants de la région nommaient l’une des citernes du site « Damous er-Rouah », le « souterrain des âmes » : on y aurait « jeté les cadavres de plusieurs hommes assassinés, […] les âmes de ces malheureux voltigent sans cesse autour de l’orifice de la citerne, pour réclamer vengeance » .
La déserte « antika » était habitée par les légendes rurales et contemporaines qu’inspirait un urbain antique. Elle devient le lieu des imaginaires qu’un enfant composait, en décomposant, par jeu, les tessons d’un fragment de mosaïque ou en faisant rouler ses billes de marbres dans la poussière des siècles, qu’un berger rêveur devinait d’entre les touffes laineuses de son troupeau, qu’une ivresse, enfin, divaguait lorsque les pierres rejouaient les bacchanales qu’elles abritaient."

"S’archéographier les terres intérieures, Quelques incursions dans les dessins de Atef Maâtallah"
Mohamed-Ali Berhouma
(Avril 2018-Mai 2019)